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La mémorisation des odeurs

C’est un problème plus complexe qu’il n’y paraît. Comment peut-on mémoriser un contenu si difficile à définir ?

La mémorisation

Pour comprendre ce mécanisme, revenons au mécanisme général de la mémorisation. Comment se fabrique-t-on un souvenir ?

C’est par nos sens (ouïe, vue, odorat …) que nous percevons les message de l’extérieur. Ce sont des messages visuels, auditifs, olfactifs … qui parviennent à nos récepteurs sensoriels (rétine, tympans, récepteurs olfactifs …). Ces messages sont transformés par ces récepteur en signaux électriques transmis à notre cerveau par notre système nerveux. Ces signaux activent certaines zones du cerveau pour définir une configuration particulière des connexions neuronales. Cette configuration particulière est appelée ‘image mentale ». A ce stade cette image n’a absolument aucune signification, elle n’est qu’une simple topologie du cerveau.

L’activation du  cerveau va mettre en jeu la comparaison de cette « image mentale » avec des images mentales ultérieures ayant déjà pris un sens. Ceci  va créer des liens de dépendance entre la nouvelle images et le réseau mémoriel qui va lui donner une signification.

Rappelons à ce stade que : « toute définition d’un concept, d’un objet, d’une situation, ne ce fait jamais dans l’absolu mais par référence à des concepts déjà définis ».

C’est donc en tant que relations logiques: « plus grand que, plus gros que, plus rouge que, moins contraignant que, identique à, sans rapport avec … » que va se définir la nouvelle image reçue et prendre un sens propre. Elle est alors intégrée à notre réseau mémoriel et fait partie de nos connaissance, de nos souvenirs, de notre mémoire. Nous pourrons y accéder si nécessaire (par un mécanisme complexe que je n’expliciterais pas ici). Notre réseau de conscience est donc un ensemble d’images mentales reliées entre elles par un réseau de relations logiques de dépendance qui leurs donnent du sens.
Mais, afin que cette interprétation des signaux électriques puisse avoir valeur de communication entre deux êtres humains, il faut qu’elle s’appuie sur un code, un langage universel. Ce code universel est pour nous la langues. Deux individus parlant la même langue peuvent communiquer car ils ont appris le même vocabulaire, la même grammaire, les mêmes concepts. Cet apprentissage est progressif et se cultive dans le temps.

Pour mieux comprendre ce réseau de connaissance prenons un exemple simple et assez caricatural.

On comprend facilement le concept de « chaise » car on sait que c’est un objet composé d’une assise, d’un dossier, et de quatre pieds. Encore faut-il savoir ce qu’est un pied : au sens propre une extrémité humaine et au  sens figuré un support. Ceci ne peut être compris que si on a acquis la notion de support. Chaque définition d’un concept s’appuie sur la définition d’un autre concept, c’est ce que l’on appelle  un réseau de dépendance.

Maintenant que nous avons une idée de la structure d’une mémoire (ou d’une conscience si on ajoute aux concepts matériels des concepts moraux) voyons ce qu’il en est de la mémorisation des odeurs.

Nous avons dit que pour la définition des concepts matériels il fallait un vocabulaire et une grammaire. Le Français couramment parlé comprend environ 35.000 mots et certains dictionnaires jusqu’à 80.000. C’est par la richesse du vocabulaire et la myriade de relations de dépendance entre eux que les mots font la richesse et la précision d’une langue et la sophistication de ses définitions.

Qu’en est-il des odeurs ?

Le vocabulaire des odeurs est particulièrement pauvre. Généralement on désigne une odeur par le nom du constituant qui la produit, mais avec un nombre de relation de dépendance très faible. Par exemple l’odeur de la lavande sera décrite comme : « odeur de lavande » avec une dépendance à l’image de la fleur, un couleur dites « Bleu lavande » et pour certain des souvenirs personnels, Sans plus. Ce n’est pas vraiment une description de cette odeur, tout au plus une identification.

Si on compare à la description d’une chaise par exemple : Dossier, assise, pieds, matériaux constitutifs, tissus, formica, style cuisine, salon, louis XV … tout un ensemble d’éléments qui viennent expliciter la description pour en donner une véritable image communicable. Rien de tel pour les odeurs. Chez les spécialistes parfumeurs (les nez) on peu ajouter  quelques éléments descriptifs comme les familles olfactives (agreste, floral, boisé, agrumes, aldéhydes, marine …) ou certains accords classiques (chypre, œillet, fougère …) mais le langage reste très limité. La majorité des gens, même s’il sont capable d’identifier certaines odeurs familières sont bien incapable de les décrire. Dire d’un « Ricard » : ça sent l’anis est une forme d’identification, mais pour en décrire l’odeur à quelqu’un qui ne la connaît pas c’est un peu juste.

Donc deux questions se posent :

  1. Comment, devant ce vide lexical mémorise-t-n une odeur ?
  2.  Comment développer un langage qui puisse rendre compte des odeurs dans leur complexité ?

Mémorisation des odeurs

L’archivage des images mentales dans notre conscience est subséquent à la création de ses relations avec le réseau mémoriel. Plus ces relations sont nombreuses et plus l’image stockée est précise, formulée, possible à décrire et donc échangeable avec les autres, ce qui lui donne un caractère plutôt universel.

Pour les odeurs c’est tout le contraire ,car elles sont archivées avec un minimum de relations causales et de ce fait difficiles à décrire. Elles sont éminemment personnelles et non communicables

L’individu à une conscience floue de l’odeur, il la ressent plus qu’il ne la connais. Il en a la perception, le souvenir, la sensation, l’impression. Il peu l’identifier mais ne peut en parler ou la décrire.

Contrairement aux images mentales bien formulées qui sont du domaine du cognitif, les images mentales des odeurs sont du domaine de l’émotion. Les premières sont du domaine  de l’être humain alors que les secondes sont du domaine animal. Contrairement à l’humain, l’animal n’a pas de conscience cognitive, il ne formalise pas ses émotions, il n’en fait pas un récit. Il ressent et réagit sans analyse rationnelle. Ressentir les odeurs c’est faire appel au reste d’animalité qui est en nous, mais c’est aussi percevoir comment les animaux prennent conscience du monde : un impression plutôt qu’une image, alors que les humains sont capables d’en donner une représentation analytique et structurée par un langage ou l’image. Si un animal ne parle pas (ou avec un langage très limité) ce n’est pas en raison du manque d’organe adapté mais  parce qu’il ne sait pas formuler sa pensée.

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire vous viennent aisément (Nicolas Boileau).

N.B. Ne me faites pas dire que les parfumeurs sont des animaux ! Ils ont simplement redéveloppés un sens olfactifs que nous avions laissé en sommeil.

Langage des odeurs

Certaines professions du monde des odeurs  ont besoin d’un langage descriptif (Cuisiniers, Parfumeurs, aromaticiens, œnologues) et ont développé un début de langage. Il est structuré autour de l’association de l’odeur avec le nom de la substance qui la génère. Par exemple odeur de lavande, de paprika, de cuir, iodée …

Tout langage se construit autour d’un vocabulaire associé à un objet référant accessible à tous afin qu’il prenne un caractère universel (dans la langue considérée). On a un référant rouge par exemple, ou encore table, maison …. Chaque mot doit être supporté par un référant existant. Les mots abstrait (liberté, autocratie, amour) se référent à une définition universelle formée par un ensemble de mots ( le dictionnaire) eux même référencés.

En parfumerie par exemple le vocabulaire est assez restreint, peut-être  2 ou 3000 mots (alors que le Français courant en comporte environ 35.000 mots, et certains dictionnaires 80.000). De plus les référents de ces mots sont en général ignorés du public et ne sont connu que des spécialistes. Parlez à un « non parfumeur » d’une odeur d’Hédione,  de salicylate de benzyl, de Benjoin ou de Galbanum et cela n’éveillera rien en lui. On peut dire qu’en parfumerie on a, plutôt qu’un langage, un un« jargon professionnel » réservé à des initiés !

Pourrais-t-on passer à un langage plus élaboré dans le domaine des odeurs. Comme on l’a dit un langage est un système de codification passant du phénomène naturel à un système codifié intelligible par une conscience rationnelle.  Par exemple :

  1. Pour définir les concepts par les textes on a inventé les lettres, les mots et leurs définitions (avec 26  lettres et quelques symboles on peut générer l’ensemble des écrits littéraires, politiques, scientifique …connus à ce jour)
  2. Pour la musique on a inventé les notes et leur référants en termes de fréquence audible ( La : 435 hertz)
  3. Pour les couleurs c’est la fréquence de la lumière visible qui fait repaire
  4. Pour le temps on a créé l’heure basée sur le rotation de la terre
  5. Pour l’espace on a inventé le mètre étalon

Pour les odeurs notre schéma de process (rencontre d’une molécule avec les papilles olfactives) basé sur un récepteur unique rencontrant des sollicitations spécifiques à chaque constituant ,on est obligé de se référer au constituant lui-même comme étalon. C’est le fondement de notre système actuel ou le référant  est le constituant émetteur du message.

L’idée de récepteurs olfactifs différent fait son chemin. Il y aurait environ 350 récepteurs différenciés répondant à divers types de molécules. Ceci pourrait déboucher sur un classification des odeurs par familles, basée sur les types de récepteurs olfactifs impliqués. Nous aurions alors trouvé le référant manquant dans le langage des odeurs.

Mais nous n’en sommes pas encore là et nous devons nous contenter du système actuel ou les référants sont les odeurs (indescriptible) des composants odorants.

Le système a fait ses preuves puisque les industries de odeurs se portent plutôt bien. Par  contre il a un peu l’allure d’une jungle dans laquelle tout pousse à gogo mais dans une indiscipline totale ;

  1. Les référants sont imprécis. En effet qui sait ce que chacun de nous ressent en humant une odeur ? L’odeur de la menthe par exemple est-elle la même pour chacun d’entre nous ? Quand nous parlons de menthe parlons nous tous de la même chose ? Notre système référant nous permet à coup sûr d’identifier la menthe mais le ressenti en est-il le même ou différent ?
  2. Notes de tête, de cœur, de fond. La grande innovation de « Jean Carles ». C’est un vocable qui ne se réfère pas à des composés, mais à un mélange. Si, en parfumerie, on peut considérer le Limonène comme une note de tête ou la Galaxolide comme une note de fond, cette appellation ne peut pas strictement s’appliquer à nos référants huiles essentielles qi comporte elle-même des notes de tête, de cœur, et de fond.
  3. Les familles olfactives. Elles sont encore empreintes de l’ancienne parfumerie au produits naturels. Citrus, Floral, Ambrée, Boisée, Aromatiques, Agreste … Dans la parfumerie d’aujourd’hui, et peut-être de demain, les produits de synthèse, qui sont les seuls vecteurs d’innovation, prendrons une part de plus en plus importante et rendrons caduc les anciennes classifications.

Conclusion

Il serait intéressant de rationaliser les langages utilisés dans la description des odeurs, c’est à dire de définir les noms et les adjectifs qui sont la base de tout langage, ainsi qu’une classification taxonomiques permettant de les organiser.

Par exemple en parfumerie :

Familles : Citrus, Florale, Aromatique ….

Sous Familles Florale à Rose, Jasmin, Tubéreuse …

Adjectifs : Épicé, Grasse, Bulgare …

Et de définir des référants pour chaque mot

Ceci paraît à priori un exercice de style inutile puisque le parfumerie se porte bien avec le jargon utilisé. Pourtant à l’heure de l’intelligence artificiel cette rationalisation deviendra indispensable

L’intelligence artificielle

Voyons en premier le processus d’apprentissage de l’IA. Supposons que l’on veuille apprendre à une machine à reconnaître une image de chat. Elle est capable d’analyser les images.

  1. On lui fait « digérer » 1000 images de chat
  2. On lui présente une image de chat et on teste sa capacité à reconnaître un chat
  3. Si elle échoue on insiste sur de nouveaux apprentissage
  4. Si elle réussi on passe à un apprentissage plus profond
  5. On lui présente alors des images de chat Angora pour lui apprendre cette race particulière
  6. On recommence le process avec toutes les races de chats, puis avec toutes les couleurs de chat ….

Pour les odeurs l’apprentissage ne porte pas sur des images, mais sur des mots puisque c’est en ces termes que c’est faites la codification des odeurs (la machine ne sait pas, à ce jour, analyser les odeurs mais elle peut analyser des descriptions littérales. .

  1. On apprend à l’IA le nom de l’odeur et sa description sous forme de mots
  2. On vérifie qu’ielle a bien appris sa leçon en l’interrogeant à partir des vocables de sa description
  3. On fait ainsi pour toutes les odeurs que l’on veut inculquer à la machine en vérifiant à chaque fois que le leçon est bien apprise.
  4. On teste sa connaissance en lui posant des question croisée impliquant des vocables des diverses définitions …etc. etc.

On comprend maintenant l’absolue nécessité de mettre de l’ordre dans les « jargons des odeurs » pour prendre le virage de l’IA. Sans codification précise des odeurs (classifiée dans un vocabulaire) l’IA ne sera pas une option.
En effet il y a une chose que l’IA gère très mal aujourd’hui : C’est « l’ a peu près » ou du moins elle le gère par pertinence statistique, ce qui n’est pas la même chose. Devant deux propositions légèrement différents l’IA fait une sorte de moyenne pondérée qu’e prend pour la vrai valeur.

Pour deux parfumeurs, par exemple, même s’ils ont un ressenti un petit peu différent d’une odeur ,ils peuvent en parler malgré cette petite marge d’incertitude. C’est le gros avantage du cerveau humain, il est habitué à gérer l’incertitude.

Ce « petit pavé » n’est ni une injonction, ni une Bible (La Bible c’est pas trop mon truc !) c’est une proposition. Soyez pour, soyez contre, l’important c’est de prendre position, de se forger une idée, c’est ainsi qu’on se fabrique une identité !

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