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Praticien et théoricien, la synergie

J’ai eu l’occasion de travailler avec une psychologue praticienne à propos du problème de l’anorexie et nous nous sommes trouvés confrontés au rapport entre théoricien et praticien. Nous avons donc cherché à définir comment pouvaient s’articuler ces deux visions, et comment loin d’être concurrentes elles pouvaient être complémentaires.

Suite à un certain nombre d’entretiens avec des patientes plutôt jeunes, la praticienne avait mis en évidence l’importance du milieu familial,  l’influence du refus de se lancer dans l’âge adulte, du manque de confiance en soi, du refus de la relation aux autres pouvaient être les caractéristiques communes au comportement de ces patientes. Ces observations pouvant être un matériel important pour la théorisation de cette pathologie. Elles mettaient en évidence le fait que l’anorexie n’était pas seulement un TCA (trouble du comportement alimentaire), mais que cette restriction alimentaire n’était que le symptôme d’une psychopathologie plus profonde. Le rôle joué par le milieu familial (père, mère) le manque de confiance en soi (dû à un positionnement approximatif vis à vis de son environnement), le refus de communiquer avec les autres, constituaient les axes majeurs pour décrire la psychopathologie sous-jacente à l’anorexie.

 

De mon côté, dans le cadre de ma théorie « situationniste » (rien à voir avec l’Internationale Situationniste, mouvement révolutionnaire d’influence Marxiste) j’ai montré comment une théorie pouvait mettre en évidence des mécanismes et pouvait en déduire les comportements intimement reliés avant même de les avoir obsrevés.

 

La praticienne par une observation et une analyse de type statistique pouvait déterminer les caractéristiques communes aux diverses patientes pour dégager un profil type de la maladie.

 

Selon mon modèle (que je vais un peu développer ici puisqu’il n’est pas très connu de façon générale) l’enfant née avec une conscience cognitive, sinon vierge, du moins très peu riche et vit sur le mode fusionnel à partir de sa conscience émotionnelle. Tout au long de sa vie, de par ses relations au monde qui l’entoure, il va organiser ses ressentis émotionnels pour développer sa conscience cognitive et construire ses positionnements et son identité et vivre des relations sur le mode empathique. C’est un long trajet qui conduit de la petite enfance à la vieillesse (je sais de quoi je parle, j’en ai fait l’expérience !)

Donc, très jeune, l’enfant développe une relation fusionnelle avec les gens qui l’entourent et notamment sa mère (dans la famille classique). Le rôle du père etant de créer la relation à l’enfant qui va empêcher la relation à la mère d’être prépondérante et exclusive (notons que le maitre ou la maitresse, les copains, les professeurs, les éducateurs jouent également se rôle)

Grandir (maturer) c’est à chaque étape se dégager d’une relation fusionnelle pour entrer dans une relation fusionnelle moins exclusive, accompagnée du développement d’une nouvelle  relation empathique liée à l’enrichissement de la conscience cognitive.

 

Il existe une accélération de ce processus à l’adolescence dû à des causes organiques (l’apparition de la sexualité) et des causes sociétales (changement des organisations scolaires, éloignement de la maison du lycée par rapport à la « petite école » donc trajet plus long et indépendance accrue, passage d’examens comme le brevet ou la bac ou l’ado ne peut plus attendre d’aide de ses parents, face à sa copie il est seul devant sa responsabilité, …) C’est vraiment une période charnière ou l’on ressent (même si c’est un peu une illusion) le basculement dans le monde des adultes.

Le passage d’une relation fusionnelle à une relation empathique est libératoire (il correspond à une affirmation de soi, à un renforcement de l’identité) mais en même temps anxiogène car c’est une projection dans un univers nouveau, donc inconnu. Normalement le désir d’indépendance l’emporte sur l’anxiété et le passage se fait sans gros bobos (Mais c’est toujours un passage difficile)

Si le désir d’indépendance est atténué (par une enfance trop protégée) ou si la relation fusionnelle est trop forte (mère possessive car angoissée, père absent ou qui n’a pas su imposer sa relation à l’enfant) le passage à l’âge adulte est refusé et l’ado se réfugie dans sa relation fusionnelle sur un mode régressif. Tout ce qui va signifier le passage au monde des « grands » sera nié. Cela peut conduire à l’anorexie et à l’isolement.

  • Anorexie par refus d’alimenter un corps pour lui garder son profil d’enfant, donc peur de prendre des formes
  • Refus de la sexualité (aménorrhée)
  • Refus de la relation aux autres, car la relation enrichit la conscience cognitive, définit le positionnement et affirme l’identité, et accroit la maturité.

Ce refus de prendre son identité d’adulte va conduire à un positionnement ambiguë, à un identité floue et fluctuante. On aura une sorte d’adulte resté enfant et qui ne sait jamais comment se situer. Le positionnement incertain et la base même de la non confiance en soi, et dans les cas étudiés toutes les peurs de ne pas être à la hauteur dans le rôle et la responsabilité d’être mère … un peu comme si on demandait à une fillette de 10 ans d’assumer un rôle de mère.

 

On retrouve dans l’anorexie, directement, ce que la praticienne a mis en évidence : Relation fusionnelle à la mère, refus de devenir adulte, manque de confiance en soi, et le refus de communiquer.

 

Ou se trouve donc la synergie entre les deux approches et leur indispensable complémentarité.

 

Le théoricien a besoin du praticien pour deux raisons majeures.

  • Pour bâtir sa théorie le théoricien a besoin de s’appuyer sur des faits observés. Son objectif est que la théorie qu’il se propose de développer rende compte de ces premières informations. Elles seront donc le « carburant » du théoricien.
  • Quand nôtre théoricien utilisera sa théorie pour en extrapoler des résultats, de nouvelles informations, il aura obligatoirement besoin du praticien pour les vérifier expérimentalement et ainsi les valider ou les infirmer.

Le praticien aura également besoin du théoricien

  • La théorie jouera un rôle important dans l’organisation des entretiens. Il est toujours plus facile de chercher quand on sait ce que l’on recherche, plutôt que de taper « au hasard » en espérant que la pêche sera bonne.
  • La théorie permettra au praticien de « cadrer » sa pensée, d’avoir une vision organisée de ses résultats, de reclasser ses observations dans les cases d’un modèle pré-formaté. Ce sera une aide précieuse dans la présentation  et la compréhension de ses résultats.
  • Et certainement les plus important, si plusieurs praticiens travaillent sur le même modèle, leurs résultats seront échangeables, cumulatifs, et les progrès de chacun seront les progrès de tous.

N’opposons pas ces deux approches, l’une et l’autre sont indispensables, l’une sans l’autre est inefficaces. D’autres part, les qualités requise pour chacun des métiers sont très différente. Un théoricien, un peu technocrate, n’aura sans doutes pas l’écoute et l’empathie nécessaire pour conduire un entretien. Le praticien, tout à son écoute, tout à son patient, n’aura pas le recul nécessaire pour faire la synthèse, dénuée d’affect, que requière la construction d’un modèle théorique.

 

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