J’ai, parfois, eu l’impression que les «opérations» étaient un peu les parents pauvres de l’Organisation, pas rejetés, mais pas vraiment admis dans le cercle des Seigneurs : Parfumeurs, Commerciaux, Financiers, Informaticiens, DRH etc.
Et pourtant, sans Acheteurs, Techniciens, Responsables des Salles de mélange, Logisticiens, pas de Production, pas de Ventes, donc pas de Profit (espéré), ‘ai donc toujours eu à cœur d’être sur le terrain et, comme je le disais à Olivier de Lisle que j’envoyais à Singapour: «Olivier, je vous l’ai toujours dit: il faut se mettre les mains dans la merde. Allez à Singapour ![1]»
Mes objectifs ont alors été :
| 31.Achats
– Globalisation – Sécurisation – Coopération avec Biolandes |
33. Gestion des formules – Informatisation- Conformité à la régulation |
| 32. Cardex
– Globalisation – Sécurisation
|
34. Salles de mélange – Informatisation- Amélioration des délais de livraison |
- Achats
Globalisation
Nous disposions, à l’époque, de 9 Salles de mélange: Argenteuil, Grasse, Milan, Teaneck,
Mexico, Buenos Aires, Rio, Hong Kong, Japon.
Chacune de ces Salles de mélange procédait à l’Approvisionnement des composants
nécessaires à la production des Compositions en ordre dispersé, tant en termes de fournisseurs, de qualité que de prix.
Ce qui ne posait pas de problèmes particuliers pour les compositions destinées au marché local, mais compliquait beaucoup le travail pour les compos destinées aux Compagnies Internationales, dont la part prenante dans le chiffre d’affaires devenait de plus en plus importante. Cette dispersion empêchait, d’autre part, tout effet de synergie.
Nous avons donc établi une collaboration étroite, principalement entre Argenteuil et
Teaneck (avec Chuck et Gary), étendue aux autres Salles de mélange pour les fournisseurs les plus importants, avec l’aide de M. Demarest et M. Paingault.
Le meilleur exemple que je puisse donner est celui des négociations annuelles avec I.F.F…
Négociations, d’ailleurs croisées, puisque les deux Compagnies étaient à la fois Acheteurs
et Vendeurs. Nous avons peu à peu élargi ces procédures afin d’obtenir ‘Un maximum d’achats consolidés.
Les problèmes d’harmonisation des qualités seront abordés avec la gestion du Cardex.
Sécurisation
Concerne essentiellement l’approvisionnement en Produits Naturels, particulièrement ceux des zones tropicales et équatoriales.
Sécurisation tant en ce qui concerne les quantités et les prix, mais aussi la qualité.
Nous sommes, en effet, régulièrement confrontés à des problèmes de disponibilité (shortage) ou de variations spéculatives des cours.
Il s’agit aussi de moins dépendre des brookers ou divers intermédiaires et d’être plus directement en relation avec les producteurs.
Trois exemples:
– Concrète Tubéreuse
– Concrète Jasmin
– Banda/wood
Concrète Tubéreuse
En 1985, Edouard Fléchier (la pêche au gros, le football, une émission à la Télévision Belge … ) crée «Poison» pour Christian Dior. La Tubéreuse est le cœur de la formule.
Problème: nous ne consommons, à l’époque, que quelques dizaines de kilos de Concrète Tubéreuse par an, issue de fleurs récoltées à Grasse.
Le succès du parfum créé par Edouard nous oblige à une montée en puissance des appros de ce produit. Que faire?
Je me penche sur des Atlas et des bouquins de botanique et sélectionne deux origines possibles: Inde et Afrique du Sud, où un de nos confrères grassois a quelques intérêts. Je me décide pour l’origine «Inde».
Et voilà le début d’une expérience passionnante.
Avec l’aide de nos agents (les Krishnamourti), nous prospectons la zone entre Bangalore et Mysore où se trouvent de belles plantations de Tubéreuses.
Problème: Beaucoup de ces fleurs sont destinées au culte hindouiste et offertes dans les Temples aux Dieux et Déesses.
Alors, longues négociations avec les paysans pour obtenir qu’ils développent leurs plantations pour, sans pénaliser les temples, faciliter la Parfumerie.
Et c’est ainsi que nous avons pu, après accord avec de petites fabriques locales, nous approvisionner de plusieurs centaines de kilos de concrète Tubéreuse par an que l’usine de Grasse a magnifiquement transformés en absolue, nécessaire au parfum «Poison».
Concrète Jasmin
Les sources traditionnelles de concrète Jasmin nous posaient de réels problèmes.
Grasse et Italie: prix et disponibilités,
Egypte : extrême variation des cours (évoquons ici l’inénarrable Cécile Mommessin).
Nous avons donc élargi nos accords «Tubéreuse» en Inde à des accords «Jasmin» et facilité le développement de cette origine jusqu’à devenir le plus important acheteur de concrète Jasmin Inde.
Je me souviens encore, invité par des producteurs locaux de concrète Jasmin, d’une entrée triomphale (?) dans la ville de Mysore, juché sur un éléphant, collier de fleurs de Jasmin au cou. Le tout suivi d’une Conférence de Presse avec les journaux locaux.
Et, puisque nous sommes en Inde, restons-y, et souvenons-nous de la première implantation de ROURE dans ce pays magique. .
À Bangalore, une petite usine et des bureaux inaugurés par. .. Sri François Weymuller dont le nom fut gravé sur la pierre de fondation, à l’occasion d’une cérémonie religieuse assez complexe dont je me suis débrouillé, grâce à Michael.
Sanda/wood
Toujours en Inde, premier producteur à l’époque, d’Essence de Santal, malheureusement
confronté à un grave problème de dépérissement des forêts d’arbres à Santal.
Il faut donc trouver une source alternative.
Je propose donc aux Parfumeurs une Essence de Santal d’origine Australie.
Rejetée d’un nez dédaigneux!
J’apprends néanmoins, trente ans après, que l’Australie est devenue la principale origine de l’Essence de Santal pour le groupe Givaudan.
On m’explique que la variété botanique australienne a été modifiée et l’Essence issue de ce bois, très améliorée.
Je me console du refus des Parfumeurs en me disant que j’ai, peut-être, été un précurseur.
En tout cas, je me réjouis de constater que mes successeurs ont suivi la voie que j’avais ouverte avec la Tubéreuse et le Jasmin en Inde, mais sur d’autres produits: Ylang ylang, Vanille, Fèves Tonka, Patchouli etc.
Collaboration avec Biolandes
J’ai déjà mentionné les accords passés avec Biolandes sur la Concrète de Ciste Labdanum ; accords étendus ensuite au traitement des mousses et à l’approvisionnement en Absolue et Concrète Rose Turque.
Je reviendrai beaucoup plus en détail sur notre collaboration avec Biolandes, au moment de la fusion.
- 32. Cardex
Globalisation
Les différentes Salles de mélange du Groupe utilisaient des composants qualitativement assez hétérogènes, ce qui posait de sérieux problèmes quand il s’agissait de livrer aux Compagnies Internationales une composition identique dans des pays différents. Il a donc fallu harmoniser et ce fut un travail de longue haleine, rendu plus complexe par la fusion . Mais grâce à la persévérance de Philippe Trouillet et l’aide des Parfumeurs dits «Techniques», nous sommes arrivés à un résultat satisfaisant.
Gestion
En parallèle, il fallait à la fois nettoyer et compléter le Cardex. S’assurer donc que, localement, certains Parfumeurs ne fassent pas inscrire «en cachette» de nouveaux composants de leur choix (un vrai travail de Police !). Mais aussi pouvoir introduire au Cardex de nouveaux produits pour enrichir la palette, d’une façon centralisée.
33 . Gestion des formules
Informatisation
Arrêt des calculs à la main.
Mise à jour automatique des Prix Cardex
et calcul automatique du Coût formule.
Conformité à la Régulation
Les législations nationales et européennes, de plus en plus contraignantes, obligent à un contrôle systématique de conformité. Je me souviens avoir déclaré un beau jour:
«Dans vingt ans, vous ferez de la Parfumerie avec de l’eau, et encore, pas n’importe laquelle» .
Très exagéré, bien sûr. Mais si j’en crois ce qu’on me raconte maintenant, je n’étais peut- être pas très loin de la vérité.
34 . Salles de mélange
Informatisation
Robotisation des opérations de fabrication et d’échantillonnage, automatisation du Quality Control.
Amélioration des délais de livraison
Nous sommes rentrés dans la période du «Just on time». Des efforts sérieux doivent être faits pour répondre aux exigences des clients et … aux récriminations des commerciaux.
Sans être parfaits, nos délais de livraison finissent par devenir acceptables.
Amélioration liée aussi à une stricte gestion des stocks.
Ni trop, ni pas assez!
En définitive, une logistique performante.
Et, pour compléter le Chapitre Salles de mélange, un reportage sur une grande première :
«Une salle de mélange au 10e étage»
Qui visitait Hong Kong dans les années 80 ne pouvait qu’être impressionné par l’entassement des immeubles, dû à un espace physique limité et une population surabondante. L’atterrissage sur l’aéroport, quasiment en Centre-ville, était tout-à-fait impressionnant.
Bref, tout le monde s’entassait dans des immeubles de grande hauteur : hommes, magasins, bureaux, ateliers, fabriques etc.
C’est ainsi que, ayant décidé de mettre en route une Salle de mélange à Hong Kong, pour servir cette partie du monde, nous demandons à Michael d’organiser le tout.
Et ce fut une aventure extraordinaire, jamais vécue par la Maison ROURE. Car enfin, réussir à installer des aires de stockage de matières premières, des fûts, des cuves de mélange, un laboratoire de contrôle au 10e étage, ne pouvait être que le fait d’une sorte de génie technique, j’ai nommé M. Carlos.
Heureusement, il y avait un monte-charge de qualité et un sol très solide!
En Mars de cette année 2016, j’évoquais avec Michael, cette incroyable épopée, parfaitement incompréhensible pour nos successeurs, mais aussi pour les Audit «Sécurité» de la Grenzacherstrasse qui nous emnm … pas mal.
Souvenirs … Souvenirs …
