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Vivre l’art, émotion ou raison

J’ai plusieurs fois essayé de définir l’art, une œuvre, un artiste en tentant de trouver la valeur universelle qui pourrait en être l’archétype. Je n’ai jamais réussi à trouver ce qui pourrait être la définition de l’artiste et de ses œuvres. C’est rageant, pour un phénomène aussi courant, aussi universel, de ne pas réussir à en produire une définition. Je n’en ai pas été capable et je n’ai trouvé dans la littérature que des définitions partielles, la plus part du temps ego centrée. Pourquoi ne peut-on définir l’art ?

La réponse est finalement assez simple : « Parce que l’art est émotion et que l’émotion ne se définit pas car elle ne peut se représenter en termes rationnels et logique ». Si on réussissait à définir l’art, il ne serait plus de l’art mais de la technique. Il serait enfermé dans un système de règles et de principes, gouverné par des mots, réduit à des poncifs, des canons réducteurs. On ne définit pas l’émotion (même si on peut en représenter les conséquences comportementales qui en sont issues). L’émotion n’a jamais de sens, elle est pure ressenti. Ce n’est que confrontée à nos expériences, à notre vécu cognitif qu’elle prend valeur. Elle n’est plus alors émotion mais sentiments, comportements, jugement.

Réjouissons-nous de ne pouvoir définir l’art, il reste une émotion non transmissible, non formulable, étanche à la sclérose de la représentation. Vivons l’art, mais n’essayons pas de le mettre en cage.

Tout ce discours doit vous paraître abscond et quelques exemples pourront mieux l’expliquer que les mots.

Tout d’abord un exemple (volontairement caricatural) un peu éloigné de l’art : « Le voyage ». Il y a deux types de voyageur

  1. Celui qui prépare soigneusement son voyage à l’avance. Il se renseigne sur le pays, son histoire, ses coutumes, ce qu’il faut voir absolument, les choses surprenantes, le climat politique etc. etc.
    Arrivant dans le pays il ne va rien manquer, être en accord ou pas avec ce qu’il a appris … mais il ne se dégagera pas de son « préconçu » sur le pays, il ne le verra en positif ou en négatif qu’au travers de ses préjugés. Au retour il aura plein de choses à raconter, il sera intarissable sur ses expériences.
  2. L’autre voyageur se renseignera sur le minimum d’éléments à connaître pour ne pas avoir de mésaventure à son arrivée. Il arrivera vierge de toute idée et découvrira le pays tel qu’il le ressent. Il flânera en humant l’atmosphère, les gens, les images. Il aura peut-être « raté » le Taj Mahal, le Golden Gâte ou la tombe d’Aménophis III, mais il aura trainé dans les petites boutiques, souris aux enfants, papoté avec un cafetier, respiré l’odeur des épices ou de la cuisine locale (il aura peut-être une petite « tourista »). Au retour il n’aura pas trop de choses à raconter, quelques impressions difficiles à transmettre, un récit décousu en petite touches, en pointillé.

De nos deux voyageurs le premier aura vécu une expérience intellectuelle, organisé, quadrillée, il pourra presque faire une conférence sur son expérience dans le pays mais il aura peu de vécu personnel de son voyage.

Le second aura vécu une expérience émotionnelle faites de touches de couleurs, de sons, d’odeurs, de foule ou de désert. Il ne pourra pas faire un bon récit de son voyage, il ne saura peut-être pas le formaliser dans un discours, mais il aura vécu une expérience qui l’aura certainement enrichi.

La peinture

Lorsque l’on regarde une œuvre d’art les processus sont identique.

On peut, comme pour un voyage, la voir d’un œil analytique : On s’intéresse au peintre, à son histoire, son environnement, la place qu’occupe le tableau dans son œuvre et dans les courants de la peinture. On étudie la technique, les couleurs, la composition, les rythmes. Bref on fait dire au tableau des tas de choses, on le fait parler. En fait on ne le fait pas parler, on parle à sa place, on projette nos attentes, nos connaissances sur lui, on justifie notre position d’amateur d’art. Mais lui n’est pas le sujet, il n’est que l’objet que nous, sujet, utilisons. Ne confondons pas l’émotion artistique avec Wikipédia.

On peut également le regarder avec « l’œil du cœur », se contenter de ressentir l’émotion qu’il nous propose, vivre avec lui comme un comédien vit avec son personnage. C’est un échange direct, en mode affectif, entre l’œuvre et nous. Comme tout échange basé sur l’émotion il est hors du temps et de l’espace, hors de la culture et de la connaissance. Le tableau d’objet devient  sujet, c’est nous qui le faisons vivre.

Le cinéma

On peut appliquer ce qui a été dit plus haut à l’expression cinématographique.

On peut voir un film avec un esprit critique, juger du scénario, de la mise en scène, de la prise de vie, de l’image, du montage, s’intéresser au réalisateur, aux acteurs. Autant de choses qui, de mon point de vue, sont toutes sortes d’obstacle au simple vécu de la situation. On ne peut pas vivre une situation et en même temps la regarder de l’extérieur

Je préfère voir un film, comme un bon moment à passer, une implication dans une autre vie, « le nez dans le guidon ! ». Évidemment, après coup, je n’ai pas grand-chose à en dire, hormis « c’était bien » ou pas !

La poésie

Nous avons tous fait à l’école des explications de texte. J’ai été un jour confronté à expliquer un poème de Verlaine. En cancre moyen j’ai traité le sujet plus ou moins bien … je devrais dire plus ou moins mal ! Plus tard j’ai compris pourquoi c’était un exercice sans futur. On n’explique pas la poésie, on l’écoute, on la dit, on la ressent. Ce n’est pas une raison mais une simple émotion. La poésie de dit pas, elle suggère ? Si on analyse littéralement, logiquement : « les sanglots longs des violons de l’automne … » on se dit que Verlaine avait dû prendre une « sacré torchée » pour pondre cela ! … des violons qui pleurent en automne !

Conclusion

On comprend pourquoi la définition de l’art est chose difficile. Doit-on le considérer en tant qu’émotion, en tant que  sentiment ; ou de récit ? Doit-on le considérer selon son côté personnel ou universel ?

L’émotion nous propose un vécu tout personnel de l’œuvre d’art, non transmissible, non formulable, non compréhensible. Le spectateur est seul devant l’œuvre, il en est imprégné sans en avoir conscience. C’est un peu la position d’un petit enfant devant un jouet qui l’attire, lui donne un désir, même s’il ne sait pas pourquoi, s’il ne voit pas à quoi cela peu servir. C’est un phénomène de fusion dans lequel la distance entre le sujet et l’objet n’existe plus.

Le sentiment est une position un peu plus complexe. L’émotion est maintenant confrontée au vécu du spectateur et elle intègre maintenant sa relation passée aux autres et à l’environnement. Le sentiment des choses reste encore difficile à transmettre. Il ne s’échange pas par des mots mais plus par des non-dits, des gestes, des mimiques, des comportements.

Le récit est la version la plus élaborée de l’art. il va s’exprimer par le langage. Il va traiter de l’œuvre en ce qu’elle s’inscrit dans une histoire, dans un courant de pensée, dans une chapelle artistique, décortiquer la technique, l’art de la composition, de la construction. C’est la forme la plus sociabilisée de l’expression artistique. Elle est collective mais pas universelle car elle est sujette aux courants d’opinions, aux groupes constitués, aux modes. Le récit décrit l’oeuvre, mais il est tout sauf l’oeuvre elle-même.

Personnellement je choisi l’art comme une émotion individuelle. Il n’est pas échangeable, non transmissible. Il est mon émotion, une pure relation entre moi et l’œuvre. Que m’importe l’artiste, sa notoriété ou son anonymat. Il a produit une œuvre, il a voulu la montrer, je m’en empare, je la fais mienne… et basta !.

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