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L’une de mes proche, dans le cadre de ses études en psychologie, se prépare à rédiger un mémoire sur le thème : « Anorexie mentale et désir d’enfant ». C’est un sujet plutôt ciblé et pointu, mais qui à la réflexion ouvre de larges horizons insoupçonnés. Tout d’abord cela suppose de prendre position sur ce que peut être l’anorexie mentale, au travers de lectures ou d’expériences personnelles, puis de prendre position sur le désir d’enfant, et enfin de réaliser une synthèse de ces deux positions dans une représentation cohérente permettant de les mettre en relation.

Voyons comment un simple sujet de thèse, qui semble pour le moins très spécifique,un exercice plutôt technique, certes élaboré mais qui reste du domaine de la technique, peut conduire à des réflexions qui en font un univers en soi, et nous plonge dans le puits sans fond de la connaissance.

Immédiatement se pose au chercheur la traditionnelle problématique du positionnement. Faut-il se situer par rapport à ce qui est établit des problèmes, connaissances considérées comme une réalité objective (même si non forcément avérée confirmée) ou doit donc situer les connaissances acquises par rapport à sa propre réalité construite vécue comme une réalité subjective. En d’autres termes faut-il s’adapter aux connaissances objectives et s’en forger sa propre idée, ou au contraire adapter les connaissances à son propre mode de pensée pour les intégrer dans son vécu. Il s’agit de deux démarche scientifiques dont les méthodes peuvent être communes, mais les buts radicalement différents.

La première, positionnement par rapport à une réalité supposée objective correspond à une démarche que l’on pourrait qualifier de « sociétale ». Il s’agit dans son travail d’utiliser ses expériences personnelles pour enrichir le patrimoine scientifique, le préciser, ou pourquoi pas le critiquer, voire le démolir si nécessaire. On apporte ses petites ou grandes pierres au travail collectif, on construit avec les autres la pyramide des connaissances, cette espèce de « tour de Babel » qui doit nous conduire à la connaissance ultime, aux secrets des dieux. Cette forme d’action est évidement échangeable avec les autres, fructueuse car elle enrichit chacun des connaissances des autres, et permet de s’assurer un positionnement social favorable. Par contre, elle ne construit pas pour le chercheur sa propre identité, elle dilue son positionnement dans celui de ses collègues, elle induit un certain dogmatisme puisqu’elle s’appuie sur des données consensuellement acquises.

La seconde, l’intégration des connaissances dans son propre univers, dans sa réalité subjective correspond à une démarche personnelle, peu échangeable avec les autres (car ceux-ci ne ferons que très rarement l’effort d’abandonner leurs convictions pour venir se confronter aux vôtres) donc ne procurant pas de positionnement social. C’est un cheminement solitaire, une recherche, avant tout de soi, dans l’expérience collective. Elle peut sembler moins fructueuse, puisque non recherchée par les autres. Par contre l’obligation de rechercher chez les autres les éléments qui serviront à se construire amène le chercheur à plus d’humilité et de tolérance.

Ces deux approches apparemment diamétralement opposée ont pourtant un point commun absolument fondamental, elles sont toutes deux construites autour de l’acquisition d’expériences, de la communication, de l’échange. Ce qui les différencie est uniquement la position qu’adopte le chercheur par rapport à cette relation.

Un autre point qu’il est intéressant de signaler est, qu’au travers de son aspect plutôt ésotérique (Etude du désir d’enfant chez une anorexique mentale) ces recherches sont plus universelles qu’il n’y paraît. Si on demande à un chômeur ou à un migrant de Calais ce qu’il peut penser de telles études on obtiendra une réponse pour le moins négative. Pourtant ce sujet est moins éloigné de leurs préoccupations qu’il peuvent le penser. Que dire de l’étude du désir d’enfant chez un chômeur de longue durée et sans perspectives d’avenir ? Est ce un sujet totalement invraisemblable ? Ou encore que penser de l’anorexie mentale chez un migrant de la jungle de calais, cela en fait-il un sujet plus ou moins bien adapté que les autres à sa situation  (absence de nourriture) ?

Un autre point passionnant et, bien sur, la relation apparemment paradoxale entre les deux termes de la proposition. Le désir d’enfant dans toutes espèce peut être relié à la nécessité de reproduction, à la survie même de cette espèce. Pas de désir d’enfant, pas de reproduction, pas de survie des individus. Le désir d’enfant peut être considéré comme un élément essentiel de la vie, il peut traduire à lui seul la notion de vie. L’anorexie, si on ne peut pas dire avec certitude qu’elle est un désir de mort, constitue cependant un chemin qui conduit à la mort. En ce sens il peut apparaître que ces deux désirs sont parfaitement antinomiques, et pourtant ils co-existent et c’est ce paradoxe qui doit nous interroger.

Ce sujet pose également des problèmes moraux que les résultats de l’étude pourraient servir à résoudre. Doit on autoriser des individus un peu en perdition et incapable de se contrôler à assumer la responsabilité d’un enfant ? J’ai pleinement conscience que mon propos peut suggérer le programme Nazi « Aktion T4 » d’euthanasie et de stérilisation des êtres dit inférieur, accordez moi le crédit de croire qu’il n’en est rien. Il n’est pas interdit de se poser la question, il me paraît même un devoir moral de se la poser, même s’il est interdit d’en donner la réponse produite par Arthur Gutt, Falk Rutke, et Ernst Rudin. (juste pour mémoire et sans rapport avec notre propos rappelons que cet ignoble projet fut inspiré à Hitler par les théories américaines de l’Eugénisme The International Jew. The world’s Foremost Problem défendues par l’industriel américain Henry Ford – et oui, le génie de la Ford T – rendons à Hitler ce qui est à Hitler et à nos héros du capitalisme ce qui leur est du).

Autre sujet de débat pour lequel cette étude paraît nécessaire, est l’incidence thérapeutique que peut avoir sur les soins aux anorexiques mentales le désir manifesté d’enfant. Ce désir et sa réalisation peuvent ils être un chemin thérapeutique vers la guérisons de l ‘anorexie mentale, ou au contraire une voie sans issue à éviter à tous prix ?

Cette pathologie, apparemment fondée sur un trouble de la relation affective fusionnelle, peut elle être améliorée par l’établissement d’un nouveau lien mère-enfant, ou au contraire ce nouveau lien va t-il se développer de façon pathologique, accroitre le déséquilibre et perturber la vie de l’enfant à venir ?

On voit que tout sujet de réflexion, si éloigné soit-il des préoccupations journalières, pose outre les problèmes techniques, des problèmes philosophiques, moraux ou sociétaux. Dans la recherche la banalité n’existe pas, la technique ne peut s’abstraire de l’humain, des problématiques de la vie.

Selon rabelais : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme », ne réduisons pas la science à la technique, ne négligeons jamais la dimension humaine qu’elle succite et qu’elle mérite.

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